La conférence du 6 mars fut un évènement majeur pour les associations de défense et d’aviation de l’Université Panthéon-Assas. En partenariat avec l’association Les Ailes d’Assas et Assas Défense, l’Association du Master 2 Sécurité et Défense a participé à l’organisation et à l’animation de cette conférence de grande qualité, autour du Général Stéphane Abrial, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air française, ancien commandant de l’un des deux commandements suprêmes de l’OTAN (ACT), et aujourd’hui Directeur Groupe International et Relations Institutionnelles de l’entreprise Safran.Le Général Abrial a fait l’honneur aux associations de bien vouloir apporter son expertise sur différentes questions posées par un membre de chacune d’elles. Monsieur Nicolas Chapon, Contrôleur général des armées en charge du contrôle des programmes d’armement aéronautiques au Ministère des Armées a également bien voulu venir apporter un autre éclairage aux différentes questions traitées au cours de la conférence. Celle-ci s’est déroulée en trois temps, correspondant aux deux questions posées par chacun des membres délégués par les trois associations aux côtés de si prestigieux intervenants. A ces questions, le Général Abrial et Monsieur Chapon ont répondu comme ils l’entendaient, se complétant autant qu’ils le pouvaient et opposant parfois de manière très éclairante, le point de vue du terrain au point du vue du contrôle.
Les Ailes d’Assas ont posé les premières questions, auxquelles le Général répondit de bonne grâce malgré la difficulté de certaines questions soulevant notamment les difficultés rencontrées par le Groupe Safran lors de la phase de développement du moteur Silvercrest qui a mené l’entreprise Dassault à choisir un concurrent pour l’élaboration du moteur du nouveau Falcon 5X. La question suivante a permis au Général de faire une différence nette entre les différents acteurs de l’aviation, compagnie aérienne, avionneurs et équipementier et leurs spécificités. Ceci pour répondre aux interrogations de l’association sur les marges effectuées par Safran, considérées comme excessives par certains, et notamment l’avionneur Airbus, qui s’est même dit tenté de réintégrer la production de ses moteurs à sa propre activité. Selon le Général, on ne s’invente pas avionneur comme on ne s’invente pas équipementier même si, in fine, le plus important reste que chacune des parties soit satisfaite du contrat qu’elle décide de signer.
Dans un deuxième temps, Assas Défense a d’abord rappelé la déclaration de la Ministre des Armées, Madame Parly, à propos notamment du renouvellement des matériels et du nouveau drone patroler. Elle a ensuite posé la question des conclusions de l’audit mené sur la question, et de la meilleure manière d’améliorer et de moderniser les équipements et la disponibilité des forces. Ce à quoi Monsieur Chapon a répondu que la maintenance aéronautique dont il est ici question concerne toutes les armées et est infiniment complexe. Il a également rappelé que la flotte française se porte bien malgré les difficultés réelles dont on ne cesse de parler, et qu’elle avait même gagné 15 points de disponibilité sur les Rafales ces dernières années. Sur l’audit mené à l’automne sur la question, celui-ci a dévoilé une dispersion importante et néfaste dans la responsabilité de la maintenance, ainsi que le constat d’une extrême sollicitation des équipements. La deuxième question d’Assas Défense portait sur le choix économique ou stratégique de l’utilisation des drones. Le Général Abrial a souligné que le patroler est d’abord destiné à l’armée de terre dans une dimension tactique et non stratégique, du fait de ses capacités moyennes (faible hauteur de vol et autonomie de 20 heures environ, observe plus qu’il n’agit). La dronisation reste un enjeu important selon lui, car elle pose la question de l’armée de l’air de demain. Le Général a été très clair sur ce point, la mission même de combat, sa noblesse et sa légitimité politique veut qu’il y ait un homme dans la boucle décisionnelle. Les robots létaux autonomes, successeurs potentiels des drones armés, sont donc selon lui un déni de réalité. Sans aller aussi loin dans les développements technologiques, il apparait nécessaire de trouver un bon équilibre entre avion piloté d’un cockpit ou à distance, c’est à dire un équilibre entre l’intérêt opérationnel des drones dans les missions des armées et le choix politique qu’ils représentent.
Enfin, l’Association du Master représentée par un de ses membres, Arnaud Lotteau, a terminé le cycle de questions en évoquant notamment le rapprochement franco-allemand depuis le sommet de juillet dernier concernant l’aviation de combat et la faisabilité de ce projet. Cette question a permis de mettre en lumière la nécessité d’une coopération européenne face à la concurrence américaine pour permettre l’émergence des futurs avions de combat européens, les « systèmes de systèmes » qui ne pourront être créés qu’avec le concours des pays « les plus capables » de l’Europe selon le Général. La deuxième question de l’association portait sur l’autonomie stratégique de la France et ses capacités d’affirmation au regard de l’interdépendance créée vis à vis d’autres pays européens en matière de transport ou d’armement par exemple. Le Général Abrial a alors donné un avis clair: seuls les Etats-Unis sont capables d’être entièrement autonomes stratégiquement et la coopération est nécessaire et ne remet pas nécessairement en cause l’autonomie stratégique française. Au contraire, travailler ensemble est en train de devenir une norme au niveau européen, ce qui est une bonne chose.
La suite de la conférence fut consacrée aux nombreuses questions du public qui permirent aux deux intervenants de compléter leurs interventions, sur des points parfois très précis puisque l’assemblée était indubitablement au fait des spécificités aéronautiques nationales et internationales. Cette expertise s’est ressentie tant au cours de la discussion qu’au regard des questions posées par les trois associations dont des morceaux choisis ont été présentés ici. Ainsi, bien que parfois très technique pour des profanes, cette conférence fut un véritable succès, couronné par un cocktail qui permit aux passionnés de discuter plus avant avec le Général Abrial et Monsieur Chapon.